Le Mokiroule, librairie nomade, entre culture et lien social

Mise à jour 05/06/2019 : Cet article a d’abord été publié en version courte ici, que les auteurs de conso collaborative en soient remerciés. Aujourd’hui, pour maintenir son activité, Pascale se doit de changer de camion. Vous pouvez contribuer à la campagne de financement participatif ici.

Il est 6h pétantes, ce jeudi d’automne, lorsque Pascale, après avoir fait les niveaux et bichonné son camion, démarre sa tournée au volant de sa libraire ambulante, le Mokiroule. Il fait nuit noire. Ce matin là, à Saint-Laurent du Pape, petite commune à un jet de pierre de la vallée du Rhône et à 30 minutes de Valence, il n’y a pas un chat.

Par dessus le bruit du moteur, elle prévient d’emblée : “Au début je prenais la départementale normale pour me rendre au marché de Vernoux. Mais je flippais. Certaines des épingles à cheveux étaient presqu’impossibles à passer sans manœuvrer, et si tu te retrouvais avec une voiture en face, c’était l’enfer. Et puis les pentes à monter étaient tellement raides que le camion montait à 18km/heure. C’était pas marrant pour moi et puis franchement fatigant pour lui, il aime pas. Sans parler des descentes, où les freins sont tellement mis à rude épreuve que tu vois arriver le moment où les 10 tonnes vont gagner la bataille et tu vas perdre le contrôle. Sur certaines portions, je serrais les fesses. C’est mon pote Manu, le plus gros camion du marché après moi qui m’a filé le bon tuyau : la route des Gorges de la Dunière : plus petite, mais moins pentue et sans les épingles à cheveux.”

Depuis deux ans, Pascale, un p’tit bout de femme bourrée d’énergie pétillante, “fée clochette” comme la surnomment certains de ses collègues de marché, sillonne les petites routes d’Ardèche avec son 10 tonnes. Les noms des 14 communes de sa tournée mensuelle s’égrènent comme un chapelet : Saint Fortunat-sur-Eyrieux, Saint-Sauveur-de-Montagut, Les Ollières-sur-Eyrieux, Saint-Peray, Le Cheylard, Alba-la-Romaine…

Après quelques kilomètres sur “la grande route” comme on dit ici, Pascale embarque le mastodonte sur une route très étroite et sinueuse, typique des routes de montagne ardéchoises. Le camion rugit et s’époumone. Il serpente, à gauche, à droite et grimpe à l’assaut des gorges. Les parapets se succèdent, et Pascale, volubile, enchaine naturellement les coups de volant à la vitesse hallucinante de 30km/h.

Au début, je voulais une immense librairie à deux étages dans un bus à impériale anglais. pouffe-t-elle. Mais c’était pas raccord avec le territoire !” Malgré la nuit toujours épaisse, le tracé de la route laisse deviner un relief vertigineux et des précipices profond